shit happens - ft alexis

⊱ shit happens.

Léger, timide, il s'était délicatement posé sur ta petite personne. Doux rayon chaleureux qui s'invitait chez ton hôte, réveil difficile, nuit agitée. Le soleil s'imposait face à sa comparse la lune qui elle, s'inclinait pour un nouveau jour, pour une énième fois. Regard perdu, esprit vagabond, t'émergeais lentement d'une désastreuse mésaventure, d'un songe bien réel. Elle n'avait pas menti, Tala, ton amant pour la nuit t'avais sauvé du confort rustique de quelques bruns d'herbe. Douillet, couchette de fortune, beaucoup de malheureux ne pouvaient espérer atteindre un si haut niveau de luxure. C'était pas grand chose, c'était déjà énorme. Bâillement. Une main dans les cheveux. Tu t'étais rapidement dressé sur tes jambes, bien décidé à ne pas t'éterniser, t'éclipser sans un mot, disparaître d'un foyer qui n'était pas le tient, nuit de charité, rien de plus. De nouvelles fringues sur les épaules, un verre d'eau dans l'estomac, t'avais attrapé tes affaires, entassant les quelques rescapés de ce flambeau nocturne dans tes sacs. Un long soupire s'échappa d'entre tes lèvres. Réflexion profonde. Tu ne pouvais  détaler sans remercier ta sauveuse, tu ne pouvais partir sans un simple merci, griffonner sur un bout de papier aurait été mal vu, tu préférais les mots, les mots touchaient, les mots apaisaient parfois, les mots étaient importants. Un long soupire s'échappa d'entre tes lèvres. Adossé à une fenêtre, les yeux rivés sur le paysage, tu ne pouvais qu'attendre la venue de Tala. Paquet de cigarette entre les mains, t'avais attrapé un rouleau de nicotine entre ton pouce et ton indexe, sortir prendre l'air, laisser un petit bout de mort s’immiscer dans tes poumons, t'étouffer lentement, t'apaiser sûrement. Arrêt net. T'avais plissé les yeux. Une silhouette s'approchait, se dessinait, ton coeur avait raté un battement. Ces traits féminins, familiers, tu l'avais reconnu, moment d'hésitation, est-ce que c'était bien elle ? Oui, oui c'était ça. Tu ne connaissais pas son prénom, tu n'avais retenu que son visage enfantin que le temps n'avait pu effacer. «  Oh putain. » Ton paquet s'était écrasé à tes pieds. Panique à bord. «  Merde ! » Elle n'était pas loin. Elle allait te balancer à ton hôte, t'allais passer un sale quart d'heure, rat pris au piège. T'avais entamé une course folle. Glissade en arrière, collision de ton cul et du sol, une grimace, pas le temps de pleurer sur le triste sort de ton postérieur. Tu t'étais relevé à une vitesse folle, le souffle court, le coeur battant. Coup d'oeil à gauche, à droite, tu t'étais engouffré dans la première pièce, t'enfermant rapidement dans les toilettes. Quelques boîtes de Doulipranes, des produits de beauté, pas d'issue. Appuyé sur le lavabo, les yeux fermés, tu soufflais quelques mots. « Trace ton chemin, trace ton chemin, trace ton chemin. »

⊱ shit happens.

Le coeur battant, quelques mots lancés à toi-même, t'espérais. Elle ne t'avait peut-être pas remarqué, elle t'avait peut-être confondu avec l'homme qui partage la vie de ton hôte, des milliers de possibilités qui pouvaient s'offrir à toi, il fallait tomber sur la bonne. Rat pris au piège, rat qui n'attendait que sa sentence. Reprends-toi. Les saisons ont pu balayer ses souvenirs, ton visage lui sera, avec un peu de chance, totalement inconnu, de nombreux films défilaient dans ton esprit avant que tes songes ne soient brisés de sa voix, de cette poignée abaissée. Quelques pas en arrière. Silence. Tes yeux balayèrent la petite pièce en une fraction de seconde. Visage sous l'eau, une boîte prise dans la précipitation, t'avais attrapé une serviette pour sécher ta peau et, dans un éclair de lucidité, y dissimuler ta gueule. Moment de vérité. La clé tournante, poignée abaissée, le petit panneau de bois qui vous séparait n'était plus un rempart entre vos deux corps. Tu lui avais rapidement glissé son précieu Graal dans la main. «  Salut, désolé du dérangement. » Quelques mots marmonné dans le tissu spongieux, t'avais soigneusement évité tout contact entre la jeune fille et ta petite personne, rasant les murs, le dos tourné.  « Je dois me tirer, tu pourra dire merci de ma part à Tala s'il te plait ? » Enfant mal élevé, tu ne l'avais pas regardé, tu ne lui avais pas fait face, tu ne pouvais pas.  « Je, euh, je. » Marmonnement, esprit ailleurs, fait chier. Ton téléphone. Poches vides. Il gisait probablement derrière toi, dans une autre pièce, malheur.  T'avais basculé ta tête en arrière, les yeux fermé, long soupire, désespoir.  «  Merde. »

⊱ shit happens.

Erreur de débutant. T'étais rouillé. Voleur au passé bien glorieux, tu glissais entre les murs, plumant les plus beaux pigeons des capitales. Pas de traces, on ne te retrouvait pas. Un simple téléphone, tout une existence chamboulée, remise en question. Se retourner, montrer ton visage, non, non beaucoup trop risqué. Tu devais tracer ton chemin, sortir de cette baraque, t'exiler, ne plus y remettre les pieds te barrer. Quelques mots qui se heurtèrent à ta petite personne, une voix qui s'était perdu jusqu'à toi, noeud à l'estomac. Une photo qui traîne, ta gueule et celle d'un ami, des souvenirs remués n'ayant visiblement pas disparus. «  oh mec... » Murmure imperceptible, le piège s'était subitement refermé sur toi, étreinte dangereuse, aucune issue à l'horizon. Tu t'étais rapidement retourné. Faire face, ne plus se défiler. T'avais plissé les paupières avant de pouffer de rire. Un rire faux, un rire nerveux. «  C'était moi ? Quelle nuit ? J'crois que tu te trompes, sauf si t'as commandé un truc où je bosse c'est possible mais j'crois pas t'avoir déjà vu » Main dans les cheveux. Nervosité apparente. «  J'ai eu un gros pépin hier soir et Tala m'a proposé de pieuter ici. » Lucidité soudaine. Détourner la conversation, blablater, fuir subtilement. «  C'est toi qui dois avoir ce manoir non ? C'est géant, j'veux dire mec, j'ai jamais vu un truc du genre ! » Quelques pas vers elle, le regard qui se perd, qui flotte, observer chaque détail du lieu un millier de fois encore, tes yeux azur planté à nouveau sur elle. Coup de main, coup de maître, t'avais attrapé ton téléphone, agilité presque féline, tu l'avais rapidement rangé dans une de tes poches, esquissant un large sourire. «  J'me disais bien l'avoir oublié quelque part, merci ! » Reculer lentement, s'éclipser, tension insoutenable. «  Je vais pas m'attarder, j'dois voir mon patron, tu passera le merci à Tala hein ? Et du coup à toi aussi 'fin même si apparemment t'étais pas au courant, vous passerez au restaurant, commandez c'que vous voudrez, ça s'ra pour moi, c'est la moindre des choses ! » Hochement de la tête, sourire, politesse. Tu lui avais rapidement tourné le dos, le pas pressé, la sortie à portée de main.

⊱ shit happens.

Explosion menaçante, tension bien trop étouffante, t'allais t'éclipser, ne pas traîner, juste disparaître. La porte d'entrée, le Graal. Un bruit suspect, t'avais instinctivement tourné la tête, posant tes yeux sur un jouet qui gisait au sol avant te rapidement poser tes yeux sur la jeune fille qui se dressait entre toi et l'unique issue à cette délicate situation. Déglutition difficile. La clé avec disparu, tu n'aurais jamais posé tes mains sur elle. T'as lâché ton sac. Long soupire qui s'échappa d'entre tes lèvres, une main qui passait dans tes cheveux, à nouveau, rat pris au piège. « oh mec... » Un coup d'oeil à gauche, à droite, tu n'avais visiblement pas le choix. T'avais reculé de quelque pas, posant ton cul sur la table basse. Tête dans tes mains t'avais finalement relevé la tête pour planter ton regard dans le sien. « Ma baraque a cramé hier soir, Tala est passé par là, elle m'a vu, a pas voulu m'laisser dormir dehors et m'a invité à passer la nuit ici. » Ta baraque, ton camping car, tout ça, c'était pareil pour toi. « J'ai rien pris, t'peux m'fouiller si ça t'chante. » T'avais écarté les bras avant de secouer la tête de gauche à droite, blasé. « Et il y a quelques années il y avait rien, j'vois même pas de quoi tu parles. » Semer le doute, troubler, brouiller les pistes, dernière tentative. Tu t'étais relevé, quelques pas vers ce rempart humain, ta poitrine effleurait la sienne. « J'peux y aller maintenant ou t'as décidé de jouer l'flic encore longtemps ? »

⊱ shit happens.

Espérer, s'agiter, s'enfuir, rater. Elle s'était dressée entre ta petite personne et la porte avec une agilité féline, tu ne l'avais pas vu venir, fait comme un rat. Se débattre dans un filet qui resserrait un peu plus son étreinte, anguille qui s'agitait pour glisser entre les doigts de son bourreau, trouver des alternative, mentir qu'à moitié, ça ne passait pas, ça ne passerait jamais. Quelques phrases maladroites jetées sans grande conviction, t'étais bien un voleur, t'étais bien un de ceux qui violent l'intimité d'étrangers complet, qui pillent, qui entrent et ressortent sans le moindre problème, tu l'avais vaguement avoué sans t'en rendre compte. Elle s'en doutait, elle le savait. Elle t'avait repoussé d'un geste simple. Tu n'avais pas résisté, tu ne pouvais plus. Tourner en rond, lion en cage, tu restais en mouvement constant, ne pas prendre racine, tout déballer. Précieux Graal qui glissait entre ses doigts pour venir disparaître dans son soutien gorge, grimace. Coup d'oeil derrière toi. « T'as vraiment cru que j'allais glisser ma main sur ton cul pour récupérer la clé ? » À nouveau dressé sur tes deux jambes, tu t'étais précipité vers elle approchant ton visage au plus près du sien. « Ecoute, j'vais tout te dire. » Murmure au creux de son oreille. « Est-ce que tu pourrais au moins attendre mon départ avant de tout lui déballer ? » Voleur demandant faveur. T'avais reculé de quelques pas, te mordillant la lèvre inférieure avant de te lancer, le coeur lourd. « J'plumais les plus beaux pigeons à l'international avec...avec mon ex. On s'amusait à raconter des conneries aux vieux pour se remplir les poches et de temps en temps, j'entrais chez les gens le soir, nouvelle technique tu vois. » Envie d'adrénaline, de nouveau, de pression. « Enfin on gardait pas grand chose pour nous, généralement on donnait la majeure partie à des associations pour les mecs à la rue, les enfants défavorisés sous forme de dons anonymes, enfin tu vois quoi, prendre aux riches pour donner aux pauvres. » Dernier coup d'oeil derrière ton épaule, ton regard azur qui se reposait sur ce rempart humain. « Allez merde, Merliah c'est ça ? J'mettrai plus les pieds dans ton manoir, j'peux passer ? » Bouffée de stresse, bouffée d'angoisse, tu devais te barrer d'ici, déguerpir avant que Tala ne se réveille et assiste à la sentence de ton bourreau.