«  Vous pouvez aller attendre dans la salle 1, un médecin va bientôt arriver. »

Je remercie d’un petit signe de tête l’infirmière qui me laisse me diriger vers la pièce indiquée en retournant s’occuper des autres patients en attente. J’ignore si c’est comme ça tous les jours ou si aujourd’hui est une journée particulièrement chargée, mais je me retrouve particulièrement surpris par le nombre de personnes présentes aux urgences en ce Vendredi matin. Si je n’avais pas été obligé de reprendre du service dés que les quelques points de suture sans doute nécessaires seront faits, j’aurai sans doute décidé de rentrer à la maison pour revenir quelques jours après ; d’autres personnes avaient de toute évidence plus besoin de soins que moi. Mais il m’était de toute façon impossible de faire quoi que ce soit avec une plaie aussi profonde ouverte, et les risques d’infection étaient également trop élevés que pour ne pas y prêter attention.

Je ne sais même pas comment j’ai pu être irresponsable au point de laisser ça se produire ; cela fait maintenant plus de 3 ans que je suis habitué à manipuler les animaux en tout genre chaque jour, en passant du classique chaton à d’autres cas parfois beaucoup moins banaux, notamment lors d’interventions exceptionnelles dans des zoos, par exemple. Jamais je n’avais eu de réel souci, ayant toujours fait en sorte de prendre toutes les précautions nécessaires, mais j’avais commis une erreur qui n’était pas permise en examinant l’iguane d’une patiente ce matin. J’avais pourtant constaté dés le début que le reptile semblait plutôt agité et nerveux dans cet environnement qu’il ne connaissait absolument pas, mais je ne m’étais pas attendu à le retrouver aussi rapidement pendu à ma main, les dents enfoncées dans ma chair. Définitivement un début de matinée dont j’aurai pu me passer.

   

La mèche rebelle à cause de son oreiller inconfortable, Eden n'avait pas l'air correctement réveillée ce matin. En vérité, elle ne s'était juste pas encore habitué à son nouvel appartement : beaucoup moins bien exposé, avec des voisins bruyants et mal isolé. Mais elle tenait bon, ce n'était que provisoire. Elle salua poliment ses collègues dès l'arrivée, comme à son habitude, ainsi que quelques patients réguliers. Son programme n'était pas très lourd aujourd’hui, une opération du pied au petit matin, puis quartier libre. Après le déjeuner, la brunette proposa donc son aide aux urgences, généralement beaucoup plus bondé que l'étage chirurgie.

« Donnez moi les traumas et entailles profondes, ça fait un bail, je dois réviser, plaisanta-t-elle avec ses amis.
- Eden ! Salle 1 si tu as envie de recoudre ! Lui lança une infirmière visiblement débordée.»

Elle hocha la tête et attrapa le dossier correspondant avant de se diriger vers la salle 1. Cela lui faisait du bien de se remémorer ses premières années d'études, son psychologue l'encourageait justement à se remémorer son passé. Enfin, plutôt les souvenirs positifs, qui lui rappelait sa vie avant les troubles mentaux. Elle referma alors la porte derrière elle, plutôt impatiente de retrouver ce premier contact avec les patients inquiets. En effet, cela remettait en jeu son statut de professionnel et son aptitude à gérer les émotions des autres.

« Alors on s'est blessé monsieur ?! Lança-t-elle enjouée avant de se retourner. »

Son souffle se coupa et elle resta planté dans le dos de l'homme. L'hésitation n'était pas possible, elle le reconnu immédiatement, sans avoir besoin de voir son visage. Son crâne rasé, sa nuque sur laquelle remontait des tatouages et ses épaules à l'étroit dans sa chemise. C'était son mari, de toute évidence.
   

Je ne cesse de jeter des coups d’œil angoissés à mon téléphone en attendant la venue du médecin, espérant que tout se passe bien pour Rebekah restée seule à la clinique avec Aaron et Shadow. Bien que mon fils ait un tempérament plutôt facile à vivre au quotidien et qu’il n’est pas considéré comme un « bébé pleurnicheur » comme certains que j’ai eu l’occasion de rencontrer par le passé, la situation actuelle entre sa mère et moi rendait les choses beaucoup plus tendues et il devait sans doute le ressentir ; il était beaucoup plus difficile et quémandeur d’attention qu’à l’habituel, ce qui pouvait le rendre quelque peu difficile à garder par moments.

Une voix un peu trop familière retentit soudainement et je me fige, manquant de lâcher mon portable. Ayant pensé qu’elle serait plutôt du côté des chirurgies, je n’avais même pas envisagé la possibilité de la rencontrer en venant ici. Bien que je sais qu’il est un peu tard pour me défiler désormais, je prends tout mon temps pour me retourner, pas complètement sûr d’être prêt à affronter son regard.

«  Hum... salut... Je ne pensais décidément pas te voir ici. »

 

L'homme se retourna pour la dévisager. Ayant du mal à contenir ses émotions, Eden se mordit l'intérieure de la joue, ne sachant pas si elle devait lui adresser un sourire ou un regard noir. Elle se contenta donc d'un regard empli de sous-entendus, et d'une posture qui la faisait passer pour la plus grande des coincés. Elle n'en revenait simplement pas : Ashton était là, devant elle. Cela faisait quelques mois qu'ils ne s'étaient pas revus, ni écrits. Le contact avait été rompu, à la suite de sa dernière crise.

« Moi non plus à vrai dire. »

Sa voix n'était pas très forte, comme si elle ne l'assumait pas. Un toussotement plus tard, la médecin se décida finalement à bouger, pour aller s'installer en face de lui. En silence, la brunette attrapa sa main pour l'examiner. C'était terriblement étrange de l'avoir si proche, et de devoir être professionnelle. Son odeur emplissait ses narines, ce qui lui avait horriblement manqué.

« Comment... comment as-tu fais ? questionna-t-elle alors, sans lever les yeux vers lui. »

La blessure était relativement profonde et nécessitait des points de sutures. Pourtant, Ashton ne semblait pas en souffrir ou alors il faisait bonne figure. On aurait dit une sorte de morsure, plus qu'une entaille et Eden se mit alors à imaginer toutes sortes de scénarios improbables qui auraient pu mener à cet incident. Peut-être avait-il une nouvelle femme dans sa vie avec des penchants étranges ? Elle fit disparaître rapidement cette idée de sa tête, préférant focaliser sur la main d'Ashton; cette grande main qui lui manquait tant.
   

Je ressens soudainement l’envie de me faire tout petit et de disparaître le plus vite et durablement possible. Malgré que cela puisse sembler logique étant donné que notre rupture reste plutôt récente, je n’avais pas réussi à effacer les souvenirs et les sentiments que j’éprouvais à son égard en un claquement de doigts… ni la culpabilité, d’ailleurs. Si nous n’avions été que tous les deux, il était certain que je n’aurai jamais pensé à prendre mes distances ; nous nous étions juré fidélité et présence pour le meilleur et pour le pire. Mais Aaron était rentré dans l’équation, et ça avait complètement changé la donne. Je ne pouvais pas risquer la vie ou le bien-être de notre petit garçon par simple égoïsme de notre part de vouloir rester ensembles quoi qu’il arrive… et bien qu’au fond de moi, je restais convaincu que j’avais pris la meilleure des décisions, devoir l’assumer en face à face comme c’était le cas en ce moment-même était beaucoup plus complexe.

«  L’iguane d’une patiente… Il n’était pas sociabilisé et je n’ai pas pensé assez vite à mettre des gants, c’est ma faute. »

La douleur me semble effectivement bien moins importante maintenant que je l’ai en face de moi, et je me retrouve pour l’une des premières fois de ma vie à chercher mes mots. Que suis-je censé dire ou faire ? M’excuser au risque de passer pour un hypocrite, même si je pense réellement mes paroles ? Faire comme si de rien était et passer pour le dernier des connards ? Cette situation est décidément pénible, autant pour elle que pour moi.

«  Comment tu vas, toi ? »



 

A sa réponse, une vague de chaleur la parcouru. Ce n'était qu'un pauvre iguane rebelle et non une sublime et torride amazone. Il n'avait fait que son travail de vétérinaire, en commettant une légère imprudence. Elle s'empara du désinfectant et nettoya la plaie, l'ayant prévenu au préalable que cela risquait de piquer.

« Les gens possèdent des animaux de plus en plus féroces dis donc.»

Sa touche d'humour était mal venue et elle sentit la lourdeur de sa blague résonner dans toute la pièce. Elle était si nerveuse, mais elle voulait lui prouver qu'elle était devenu une femme meilleure, plus stable que lors de leur dernière rencontre. Affublé de ses ustensiles, Eden commença le travail, tout ceci serait rapide puisqu'il ne s'agissait que de trois points de sutures.

« Oh euh... ça va, je crois, bégaya-t-elle en restant concentré. J'ai fini ma cure et j'ai trouvé un appartement. Comment tu vas toi ? Et... Aaron ?  »

Cela n'était pas simple de rester si distante alors qu'ils commençaient à aborder un sujet plus personnel. Elle avait évoqué son fils, et c'était une blessure qui se ré-ouvrait. Le petit lui manquait atrocement. Eden était malade, mais elle était avant tout une maman qui souffrait.
   

« Oh, ne m’en parle pas. T’as pas rencontré la dernière recrue de la maison… Une terreur. »

Peut-être qu’aborder ce genre de sujet réussirait à nous détendre et à rendre l’atmosphère un peu moins lourde, mais je ne se fais pas d’illusion à ce sujet. Quoi qu’au moins, ça me permettait de penser à autre chose qu’à ma main qui était entrain de se faire rafistoler, ce qui n’était pas forcément un moment très agréable à passer et encore moins à regarder.

«  Wow… C’est super. Et la reprise du boulot ? Les gens ne sont pas trop pénibles avec toi ? »

Bien que la fierté et le soulagement prédominent lorsque j’apprends qu’elle s’en tire plutôt bien, je ressens aussi une étrange pointe de jalousie se mêler à tout cela ; elle réussissait visiblement à passer le cap, sans doute mieux que moi d’ailleurs. Peut-être ne suis-je pas si difficile que ça à oublier, mais cela reste douloureux de penser à ça après une relation aussi longue que la nôtre.

«  Il va bien... Enfin… Il est un peu perturbé par tous ces changements, mais globalement, on va dire que ça va. Je l’ai laissé à Bekah en venant ici parce que c'était plus facile mais si j’avais su que je tomberai sur toi, je l’aurai amené sans hésitation. »  

En l'entendant, Eden cru s'étouffer et elle toussota légèrement. Il y avait donc quelqu'un d'autre : une nouvelle personne. Dans SA maison. Une terreur en plus, mais dans quel sens disait-il ça ? En tout cas, Ashton n'avait pas perdu de temps pour la remplacer. Elle haussa un sourcil, signe qu'elle contenait sa colère qui grimpait lentement. Son visage devenait un peu plus pincé. La médecin continuait son travail, mais étrangement elle planta un peu plus sauvagement son outil dans la peau de son mari pour le point qui suivit.

« Non tout va bien, j'ai repris à mi-temps pour recommencer doucement. C'est ce que m'a conseillé mon psychologue.»

A force de parler de ce médecin et de suivre ses conseils à la lettre, on aurait pu croire qu'il était toujours à ses côtés pour lui guider le chemin, mais Eden avait juste une très bonne mémoire. Et surtout la volonté de récupérer sa famille. Son travail sur Ashton se terminait déjà, propre et précis. Si d'un côté le fait de savoir qu'il allait bientôt quitter son lieu de travail la rassurait, cela l'embêtait aussi. Son ressenti était un peu comparable à celui d'un drogué en rémission : il la tentait mais l'effrayait en même temps.

« Avec Bekah, répéta-t-elle comme pour l'assimiler car cela ne lui plaisait pas tellement. J'aimerais le revoir, bientôt.  »

Bien que rien n'était encore officiel concernant la garde d'Aaron, Eden avait respecté que son mari l'éloigne d'elle, sachant pertinemment qu'elle pouvait être dangereuse lors de crise. Aussi, sa demande était comme un appel à l'aide, un encouragement.
   

Sur le moment, je ne me rends pas compte de la double interprétation que peuvent avoir mes paroles. À vrai dire, c’est plutôt l’expression fermée d’Eden et son soudain manque de douceur avec l’aiguille qui me fait réaliser, et bien que ma première idée soit de m’excuser pour la confusion et de lui préciser qu’il ne s’agit que d’un chien, j’ai désormais envie de voir jusqu’où sa jalousie pourrait éventuellement aller. Quoi que ce n’était peut-être pas l’idée la plus rationnelle, compte tenu qu’elle était supposée recoudre ma main et non m’amputer d’un bras.

« Elle est gentille, je suis certain que tu l’apprécieras. De toute façon, elle a déjà vraiment la cote avec Aaron et Shadow, c’est déjà un très bon point. Bon, elle a des réactions de chienne parfois, mais on fait avec. »

Je m’efforce de paraître tout-à-fait neutre pour rester crédible dans mon petit jeu, constatant que ma main était désormais à peu près opérationnelle. Mon regard s’attarde un instant sur les points de suture parfaitement réalisés et je souris finalement.

« Merci… Toujours aussi douée, à ce que je vois. »

La discussion sérieuse nous rattrape bien vite lorsque le sujet de notre fils est évoqué et je me tais durant un instant, prenant le temps de peser le pour et le contre. Son état semblait plutôt stable aujourd’hui… en espérant que ça dure. Peut-être étais-ce l’occasion ou jamais de voir les progrès qu'elle avait pu faire.

«  Si tu es dans ce service, c’est que tu ne dois pas être débordée par le travail. Si tu veux et surtout que tu peux te libérer plus tôt, tu peux revenir avec moi à la clinique pour venir le voir. Il sera ravi de te voir, j’en suis certain. »


 

Satisfaite du résultat, Eden retira ses gants à usage unique pour les jeter dans la poubelle. Un petit sourire satisfait s'étirait sur son visage : elle n'avait rien perdu des petites interventions en urgence. Mais son moment de bonheur fut de courte durée quand Ashton s'étendit sur sa nouvelle compagne. Ce qu'il était culotté ! On aurait dit que cela lui plaisait d'exposer son nouveau bonheur. Encore heureux qu'elle revenait dans l'équation ou bientôt son fils aurait eut une nouvelle maman.

« Des réactions de chienne... Et bien tant mieux pour toi, enfin je crois.»

Non mais elle aussi elle pouvait lui en donner des réactions de chienne s'il voulait ! Enfin, elle espérait juste que ce ne soit pas à connotation sexuelle. Un frisson la parcouru tandis qu'il la complimentait sur le travail accompli.

« Merci, répondit-t-elle plutôt sèchement. Ne force pas trop sur ta main durant les deux prochaines semaines, le temps que les fils se résorbent. Et mets tes gants dorénavant, je ne serais pas toujours là pour te secourir.  »

La brunette s'installa au bureau, afin de taper les quelques informations sur cette consultation nécessaire aux infirmières qui gérait ce secteur. Le silence était de rigueur, car elle connaissait tout sur Ashton : âge, taille, poids, groupe sanguin, maladie antérieurs... Pourtant lorsqu'elle eut finit son rapport et qu'il lui fit sa proposition, une petite larme vint s'installer au coin de son œil. Voir Aaron ? Maintenant ? C'était... inattendu, magnifique, stressant. Tout ça à la fois. Est-ce qu'elle allait être à la hauteur ?

« Oui. Oui d'accord, je vais les prévenir, je reviens tout de suite.»
   

Je souris intérieurement en entendant son changement de ton, me retrouvant contraint de fixer momentanément mon attention sur le mur plutôt que sur elle pour éviter de sourire ouvertement et de perdre par la même occasion toute crédibilité. L’idée de la rendre jalouse m’amuse presque autant qu’elle me fait culpabiliser ; ce n’est certainement pas ce dont elle a besoin dans son état actuel, et ce même si elle semble aller mieux. Aussi, je me promets de rompre le suspens avant qu’on ne se sépare aujourd’hui, préférant éviter qu’elle se torture l’esprit avec ça trop longtemps.

« Promis m’dame. »

Bien que mes deux mains me soient nécessaires au quotidien, particulièrement pour les actes chirurgicaux, je tente de me convaincre que je ferai un effort concernant tout ce qui était à porter. Quoi que cela risquait d’être un peu plus problématique concernant Aaron, mais ça devrait être faisable. Ça devait l’être, de toute façon.
 
« Pas de souci, je t’attends. »  

Son changement d’expression ne passe pas inaperçu, et il me réchauffe bien plus le cœur que je ne voudrais l’admettre, à tel point que je me retrouve cette fois à sourire véritablement sans m’en rendre compte. Ayant moi-même souffert de l’absence de mon père et du désintérêt total de ma mère, il était hors de question que j’inflige cela à mon fils en sachant que ses deux parents souhaitaient s’impliquer autant l’un que l’autre dans sa vie. Et puis, peut-être que les choses auraient une possibilité de s’arranger avec Eden… un jour.


 

A peine Ashton finissait sa phrase qu'Eden quittait la pièce, tout à coup très pressée. Elle s'attarda très peu, juste le temps de prévenir ses collègues qu'elle devait les quitter, prétextant une urgence familiale. Personne ne pipa mot, elle avait déjà été bien gentille de leur donner un peu de son temps. La brunette fit un petit tour aux vestiaires pour retirer sa blouse en premier lieu, mais aussi arranger sa coiffure et vérifier son maquillage. Elle n'était pas sous son meilleur jour pour faire concurrence à la nouvelle conquête d'Ashton, mais bon, après tout, il l'avait déjà vu dans tous ses états.

« Voilà, on peut y aller ! lança-t-elle en revenant le cherchant dans la salle d'auscultation.»

Le jeune trentenaire affichait un petit sourire, qu'il fit disparaître dès qu'il la vit : pris en flagrant délit. Mais que mijotait-il ? Il était si étrange aujourd'hui, à la fois sans gêne, amusé et mal à l'aise... Préoccupé par son fils, Eden le pressa quelque peu. A cause de ses propres bêtises, elle n'avait même pas pu l'allaiter aussi longtemps qu'elle le souhaitait.

« Au fait, commença-t-elle une fois sur le parking. Comment a-t-il vécu la transition avec le lait industriel ? A moins que tu n'utilises du lait végétal ?  »

C'était une preuve supplémentaire que son état s'améliorait : elle réfléchissait à nouveau comme une mère impliquée, et non plus comme une furie égoïste et sans sentiments.
   

« Lait végétal. Tu sais ce que je pense de tout ce qui est industriel en général… »

Rien que ma profession me forçait à avoir un point de vue différent de celui de la plupart des gens quand aux produits qu’on trouvait en commerce, principalement ceux issus de matière animale. Et même si j’avais choisi de n’imposer mon végétarisme à personne, que ce soit à Eden, à Aaron ou à quelconque autre personne, si je pouvais au moins faire en sorte que notre fils ait une alimentation aussi équilibrée que possible sans pour autant lui restreindre trop de choses, autant en profiter.  

« Et sinon ça va, il a mit un peu de temps à s’habituer mais ça a l’air d’aller désormais, il s’y est fait. »

J’étais à la fois aussi content que soulagé de voir qu’elle souhaitait autant se réinvestir dans la vie du bébé : ça avait été dur pour elle comme pour moi émotionnellement, mais elle avait été complètement privée de le voir et j’avais dû faire passer mon travail après bon nombre de choses pour réussir à m’occuper de lui en même temps. Alors même si je l’adorais et que chaque minute passée en sa compagnie était une véritable bénédiction, l’idée de pouvoir un peu souffler à nouveau de temps en temps et me concentrer sur autre chose était on ne peut plus agréable.

Autant par habitude que par galanterie, je vais lui ouvrir sa portière avant de retourner de mon côté pour prendre place au volant, attendant qu’elle s’installe et attache sa ceinture pour pouvoir démarrer le véhicule et rouler jusqu’à la clinique qui n’était, heureusement vu l’impatience dont semblait être victime ma passagère, pas à plus de dix minutes de distance de l’hôpital. Je me gare finalement à l’arrière du bâtiment où se trouvait déjà la voiture de Rebekah, sortant ensuite.

« J’espère que Shadow n’est pas en train de se balader dans toute la clinique… »

Plutôt contente de voir que son époux partageait toujours son avis concernant l'alimentation de leur petit garçon, elle acquiesça, relativement rassuré. Au moins, même en cas de séparation, ils seraient plus ou moins d'accord sur la façon d'éduquer Aaron. Quoiqu'elle ne s'imaginait pas divorcer ; et surtout pas d'un homme comme lui, qui soit aussi brillant qu'attirant.

« Tant mieux alors, j'avais vraiment peur qu'il rejette autre chose que mon lait, ça m'aurait inquiété... »

Eden se laissa traiter comme une princesse et monta dans la voiture. Elle y retrouva l'odeur de la maison, un petit mélange de citron, lessive et produits douche bébé. Tout cela lui manquait. D'ailleurs la voiture elle même lui manquait car cela faisait quelques mois qu'elle devait s’accommoder des transports en commun, s'étant vu retirer son permis de conduire.

« Oh j'ai hâte de le revoir lui aussi, s'exclama-t-elle pour cacher son anxiété. »

La brunette avait peur de ne pas reconnaître son fils, après ces quelques mois, il devait avoir tellement grandi. Son visage était tiré, impatient, mais aussi méfiant. Elle reconnu la voiture de Rebekah en arrivant, se disant qu'il y avait bien trop de femmes célibataires et jolies autour de son mari ces derniers temps. Il fallait qu'elle le récupère, avant qu'il ne soit trop tard.